Elizabeth Czerczuk, Directrice artistique
« Si elle est plusieurs, c'est qu'elle se veut gardienne, comme autant de bornes à délimiter le territoire d'un gouffre : celui de l'amour, précisément, lorsque, par malheur, il coïncide exactement à celui de la mort. » Daniel Mesguich
Originaire de Wroclaw, en Pologne, Elizabeth Czerczuk baigne dès sa jeunesse dans l’ambiance théâtrale de deux grandes personnalités de la ville : Jerzy Grotowski et Henryk Tomaszewski, figures majeures de la scène polonaise. Elle entre au Conservatoire national supérieur d’art dramatique en 1984, à Cracovie, la ville de Tadeusz Kantor.
En 1991, bénéficiant d’une bourse du gouvernement français, elle entre au Conservatoire de Paris pour suivre l’enseignement de Daniel Mesguich, Philippe Adrien et Jean-Pierre Vincent. Elle fréquente également l’école du mime Marcel Marceau. Elle intègre ensuite la Comédie Française et participe aux mises en scène raciniennes de Daniel Mesguich, puis Karine Saporta, notamment pour sa chorégraphie sur Colette. Elle devient par la suite responsable de la production et de la diffusion de sa compagnie, notamment en Pologne et au Japon.
Toujours partagée entre la Pologne et la France, elle cherche, par le biais de ses multiples activités théâtrales, à cultiver ses racines et à rapprocher ces deux cultures. Son objectif est d’allier le perfectionnement de la technique à la française avec le cœur et l’émotion inhérents à la dramaturgie polonaise.
Actrice et danseuse
En Pologne, elle débute comme comédienne sous la direction de nombreux metteurs en scène de premier plan, tels que Jerzy Sthur, Waldemar Smigasiewicz ou encore Jerzy Grotowski. À l’international, elle incarne Serafombix dans The sale of the demonic woman, pièce inspirée de Witkiewicz et dirigée par Zofia Kalinska, collaboratrice de Tadeusz Kantor au Théâtre Grand Meeting Company, en Angleterre. Elle endosse également le rôle d’Edwige dans Le Canard sauvage d’Ibsen, chorégraphié par Karine Saporta et présenté dans des festivals en Scandinavie et au Théâtre de la Ville, à Paris. Elle se fait finalement l’interprète de Salomé, d’après Oscar Wilde, avec Daniel Mesguich comme conseiller à la mise en scène. La pièce se joue dans le cadre des festivals internationaux de Leipzig, Saint-Pétersbourg, Almada-Lisbonne, Dresde, ainsi qu’Avignon à plusieurs reprises.
Metteure en scène
Elizabeth Czerczuk crée sa compagnie en 1992. Depuis, elle réalise et met en scène ses créations, souvent dictées par la voix des grands dramaturges et maîtres du théâtre polonais, comme Le Cri d’Ophélie, inspirée de l’Étude sur Hamlet de Wyspianski, ou Matka, d’après Witkiewicz.
Elle rend aussi hommage à de grands compatriotes. À l’occasion du bicentenaire de la naissance de Adam Mickiewicz, en 1998, elle monte pour la première fois en France Les Aïeux (parties II et III), sous l’égide du Collège de France, où il fut professeur. En 2015, elle met en scène Le Banc de l’école pour le centenaire de la naissance de Tadeusz Kantor. Pour célébrer le 250e anniversaire de la création du Théâtre public en Pologne, elle joue la même année Le Cri d’Yvonne, création inspirée d’Yvonne, princesse de Bourgogne de Witold Gombrowicz. La pièce est sélectionnée pour le festival 12 x 12, à Paris et jouée au Théâtre de l’Aquarium, à la Cartoucherie de Vincennes.
La metteure en scène est accueillie en France et dans toute l’Europe sur des scènes nationales et dans des festivals internationaux. Elle rencontre toujours un accueil très favorable de la part de la presse et du public, notamment au Festival d’Avignon.
Elizabeth Czerczuk propose aussi des lectures, des mises en scène et des adaptations d’œuvres de dramaturges européens contemporains qui contribuent au renouvellement de la scène théâtrale. Elle s’inspire par exemple des travaux de Samuel Beckett, Jean Genet et Jon Fosse, dont Le Rêve d’automne a donné lieu au spectacle chorégraphié L’Adieu à l’automne.
Directrice de théâtre et cheffe de projets européens
En 2002, après la mort du grand maître de la pantomime Henryk Tomaszewski, elle est nommée à la tête de son théâtre. Elle y dirige l’équipe administrative tout en perpétuant, avec un souffle nouveau, la ligne artistique de son fondateur.
De 2010 à 2012, elle crée et dirige, dans le cadre du programme « Culture 2007-2013 » et avec le soutien de la Commission européenne, Homme@Home,l’Homme face aux éléments. Composé de cinq pièces chorégraphiées, ce projet artistique met en scène des artistes internationaux (notamment les Françaises Carolyn Carlson et Karine Saporta) sur le thème des périls écologiques de notre temps. Elizabeth Czerczuk joue d’ailleurs une de ces cinq pièces, Carnaval, au Théâtre Nowy à Lodz, en Pologne.
En janvier 2016, elle entame un work in progress au sein de la Société de Curiosités qui s’est étendu sur six mois. Avec cette expérience, Elizabeth Czerczuk est allée à la rencontre de son public en lui donnant rendez-vous, l’invitant sur scène, le bousculant et, surtout, en écoutant ses impressions, pour en ressortir enrichie d’inspirations, d’objectifs, de complicités artistiques et d’amitiés. Fin 2016, elle reçoit une distinction culturelle à l’ambassade polonaise pour récompenser l’ensemble de ses créations artistiques.
Elle prend possession de son théâtre parisien en 2013, qu’elle nomme le Théâtre Laboratoire Elizabeth Czerczuk en hommage à son maître, Jerzy Grotowski. Ce lieu lui permet d’entreprendre une démarche personnelle, pluridisciplinaire, en faisant coexister toutes les formes d’expression artistique : théâtre, danse, musique, effets picturaux.
En 2017, elle y entame des travaux pour augmenter la superficie et en faire un lieu incontournable du paysage culturel parisien. Le nouveau Théâtre Elizabeth Czerczuk comprend désormais un grand hall d’entrée, un jardin lumineux, un bar, des loges, une salle de danse ainsi qu’une salle de spectacle entièrement équipée des nouvelles technologies de son et lumière, capable d’accueillir 205 personnes.
Depuis, elle a réalisé 5 créations avec sa compagnie d'une vingtaine d'artistes, créé un espace de réflexions et de recherches (Laboratoire de Radicalité Artistique) et développé sa propre école de formation d'acteur : Le Laboratoire d'Expression Théâtrale. En 2019 Elizabeth Czerczuk reçoit, en récompense de son travail, la plus haute distinction de l'Académie Arts-Sciences-Lettres : la médaille de platine.