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AMOK

 
 
Découvrez la grande première de la création Amok, dans la continuité de Dementia Tremens avec une vingtaine d’artistes comédiens, danseurs et musiciens en action sur scène.
 
Mise en scène et chorégraphie : Elizabeth Czerczuk.
 
Amok, immersion déroutante, vous plongera dans une atmosphère psycho-délirante à travers un dispositif scénique où s'entremêlent la folie des artistes et celle des spectateurs. Elizabeth Czerczuk explore le désordre de nos inconscients, dans une expérience cathartique puissante, expression d'une méta-forme théâtrale abolissant la barrière entre émetteur et récepteur.
 
Retrouvez la critique du Journal La Terrasse en cliquant ici.
 
Représentations :
 
- Samedi 16 novembre 2024 à 20 heures 
 
- Jeudi 21 novembre 2024 à 20 heures
 
- Jeudi 12 décembre 2024 à 20 heures
 
Ouverture des portes 45 min avant le spectacle pour profiter du bar et du jardin.
 
 
Patrice BOUGON De l’ordre au mouvement des corps emportés par la pulsion rythmique.
 

Après avoir vu AMOK, ce spectacle unique en son genre, le spectateur ne peut être qu’impressionné par l’invention visuelle et rythmique de la troupe d’Elizabeth Czerzuck. Ceux qui connaissent son travail sur Genet, et surtout les auteurs polonais dont Gombrowicz, ont la joie de retrouver ce qu’elle nomme, à juste titre, le style de ses << lectures chorégraphiques >>.

Elles sont, cette fois-ci, renouvelées par la présence dans l’orchestre ( outre la musique de ruptures propre à des musiciens dans la lignée de Prokofiev ) d’une guitare électrique et d’un saxophone, qui impulsent de nouveaux rythmes de rock progressif, et nous font entendre quelques minutes de jazz.

Deux parties dans ce travail en cours (dont ce que nous avons vu est la première version). La première, dans la continuité de certaines scènes de Dementia Tremens, montrent des personnages assis sur des rangées de sièges, tels des spectateurs qui nous font face. Nous sommes sujets et objets du regard. Le calme de l’installation des corps n’est qu’éphémère, des gestes plus ou moins violents, font affleurer progressivement une sorte de folie qui, peu à peu, s’empare des corps, des voix et des langues. Plusieurs langues sont ainsi données à entendre, non pas comme harmonie des différences, mais plutôt comme métaphore sonore du conflit, voire de la guerre.  

L’ordre de la rangée de ces figures de spectateurs se modifie. Ces figures, un temps ordonnées, se déplacent de façon synchrone et rapide, latéralement à droite et à gauche, plusieurs fois, selon différentes amplitudes. Dans ce spectacle, tout est en mouvement, au sens propre et figuré. Aucune interprétation ne peut être fixée, les événements visuels et rythmiques défont l’ordre de la représentation.

Le spectateur, étant face à des figures de lui-même, se trouve mis en question dans sa position de voyeur, il est en effet aussi vu par les artistes qui, sans cesse, le surprennent. Cette mise en question des situations va, après un certain moment, être modifiée, les spectateurs étant conduits, par les danseurs et les danseuses, à leur place traditionnelle, auparavant occupée par les figures, non sans avoir la possibilité de faire quelques pas avec celles-ci.

Lors des premières minutes du spectacle, on peut penser à une variation d’une scène de classe où l’ordre se fissure et on perçoit une filiation avec La Classe morte de Kantor, artiste cité par Elizabeth Czerzuck dans ses textes. Ici comme là, l’ordre inaugural d’Amok ne se maintient pas. Un cri, un éternuement, un geste, un rire, un déplacement, une tentative de fuite défait la communauté.

Ce qui frappe le spectateur, c’est l’énergie qui se dégage  de cette chorégraphie, jouant sur l’opposition entre enfermements, déplacements, limites spatiales, corps emportés puis comme agglutinés dans la masse d’autres corps. Ces éclatements, ou échappées, engendrent sur scène une sorte de folie mimée,  puisque cette << rage de l’expression >> ( Ponge ) est totalement réglée par une chorégraphie, très précise qui joue sur des variations de rythmes incessants. Les danseuses et les deux danseurs (noms à préciser) occupent la scène en diverses directions, toujours imprévisibles. Cette liberté du geste (dialectique) de la réunion et du détachement est parfois en suspens, voire arrêtée, par un regroupement, presque larvaire, masse indistincte des corps, cette fois-ci debouts mais comme encagés dans un chariot ouvert, dont les trois côtés verticaux mesurent plus d’un mètre. Bien des signes du décor et le double mouvement contradictoire des corps déjà évoqué ( amplitude limitée des gestes mais aussi libération sans frein des mouvements ) évoquent  la violence du pouvoir et de la guerre mais aussi la croyance, qu’elle soit politique ou religieuse, sans que cette dernière soit aussi visible que dans les autres spectacles du T.E.C.

Une seconde partie, plus courte, distincte notamment par la musique du groupe qui se tient sur un plateau placé, en haut, à droite de la scène principale, propose, surtout à la fin, une pulsation plus forte, une sorte de rock progressif, engendrée par le batteur et le saxophoniste dont le danseur (nom à préciser ) incarne, avec son style propre, le rythme, une pulsion de vie qui clôt le spectacle en son apothéose.   

Il va sans dire que la vision d’une captation de ce spectacle permettrait de préciser certaines remarques faites de mémoire, et d’indiquer plus fortement la portée réflexive, voire théorique, de ce spectacle qui  produit déjà, tel quel, de grandes émotions esthétiques.

 

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