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Dans L'Emancipation.fr, avril 2016

La magistrale mise en scène et recréation, conçue par Elizabeth Czerczuk, d'un texte de ce grand auteur polonais du début du XXe siècle nous ramène, par le jeu corporel des acteurs et la participation du public, aux audaces des années 1970. À celles de la pensée et de toutes sortes d’œuvres.

Liées notamment au courant de l'antipsychiatrie interrogeant la différence entre la « folie », c'est-à-dire la maladie, et la « normalité ». Des penseurs comme Foucault, Deleuze et Guattari, dont les héritiers se battent encore pour une autre conception du soin psychiatrique et de la philosophie politique qu'il suppose*, ont transformé pour longtemps la conception de ce domaine de la médecine, même si la régression néo-libérale, subordonnant la santé, comme tout, au coût et au rendement, rend très difficiles ces luttes des plus clairvoyants. Ont fleuri simultanément des créations théâtrales, comme celle de Peter Brook en 1967 reprenant un film de Peter Weiss : « Marat-Sade ou La Persécution et l'Assassinat de Jean-Paul Marat représentés par le groupe théâtral de l'hospice de Charenton sous la direction de Monsieur de Sade ».

Comme dans d'autres mises en scène de Brook et grâce à la disposition en rond, le public était lui aussi convié à intervenir. Le Bread and Puppet, avec ses grandes marionnettes de papier, contestait aussi l'ordre établi. Bob Wilson (« Le Regard du sourd ») prit le relais. La folie a été souvent assimilée à la subversion, et celle-ci à la folie - persécutée comme telle depuis la chasse aux sorcières du Moyen Âge jusqu'aux internements politiques de feu l'URSS ou d'ailleurs, encore pratiqués aujourd'hui : isolement et traitements punitifs tentant d'éradiquer la révolte et d'éviter la contagion…

Elizabeth Czerczuk le montre magnifiquement par cette oscillation de ses personnages entre la démesure et des visions lumineuses au bord de la voyance, totalement à contre-courant - celles de la plupart des vrais artistes et poètes. Un de ceux-ci en témoigne dans la pièce. Le travail des acteurs est remarquable dans le déglingage… La désarticulation des membres, de la tête, des genoux, poignets et mains, et la mobilité des muscles du visage, au rythme de la musique savante de Thierry Bertomeu, sont fascinantes. Les éclairages ajoutent au fantastique. Une telle intensité rendait sans doute les projections superflues. Une actrice nous montra sur ses doigts les marques de ces laborieux exercices. La participation du public, aimanté, conquis, pouvait, sans risquer d'affaiblir la tension dramatique, être poussée davantage. Ce spectacle, qui n'est pas un retour nostalgique au passé, mais la réhabilitation d'un théâtre tragico-politique, traversé d'un humour fracassant, évoque les luttes et les bouleversements actuels de notre société.

* En particulier Richard Gori (auteur de « La Fabrique des imposteurs », Éditions Les Liens qui Libèrent, 2014). Et Jean-Pierre Martin (auteur de « La Psychiatrie dans la ville » et de « La Rue des précaires », Éditions Erès, 2011).

Marie-Claire Calmus, L'Emancipation.fr, avril 2016

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